Chapitre 14


            Il s’est connecté à Double.com, et a commencé à discuter avec les autres personnes en ligne à cet instant. Quelques vaines tentatives plus loin (essentiellement des femmes ne répondant pas à ses salutations, ou répondant à son premier message mais ne poussant pas plus loin), il a enfin pu avoir l’opportunité de me démontrer l’étendue de son savoir-faire :

-       Bonjour, gente dame.
-       Bonjour
-       Quel plaisir de vous voir séant vous connecter.
-       C’est bizarre comment tu parles, tu es d’un autre continent ?
-       Que nenni, damoiselle, Soupiran des îles, pour vous servir, blanc de peau, bien de sa personne, dans la force de l’âge et dans l’enthousiasme de ses trente ans.
-       Ah bon…moi c’est Séverine.
-       Oh..Séverine, la douceur de votre prénom, résonne à mes oreilles et m’incite à des pensées divines…
-       Poète avec ça.
-       Séverine va-t-elle m’en dire plus sur ses attributs de citadines..
-       Hi hi, je ne sais pas si je dois, bon allez je me lance, j’ai trente cinq ans, j’habite dans la banlieue ouest. Que veux-tu savoir d’autre ?
-       Oh ma douce, tout, je veux tout savoir, vos yeux, vos cheveux, vos rêves et même, si je puis me permettre, si Séverine est câline.
-       C’est beaucoup demander…
-       Oui, je suis très exigeant…et très généreux…J
-        Rien à dire de particulier en fait, je suis…mariée, enfin peut-être plus pour très longtemps, et je préfère pas en parler… L
-        L
-       Je suis la maman d’un petit garçon adorable de cinq ans.
-       Magnifique
-       Et…
-       Laissons de côté nos vies, douce Séverine, nos vies expliquent pourquoi nous sommes là. Parlons nous de nous. Je sens une réciprocité touchante.
-       Je ne sais pas quoi dire, et peut-être que tu es un de ces salauds…
-       Je vous aide, je commence…
-       …D’accord
-       Mes yeux sont marrons…
-       Vert
-       J’ai une belle chevelure brun foncé mi long..
-       Châtain, cheveux courts
-       Je pèse 75 kg…
-       Hi hi, ça ne se demande pas…
-       En effet belle dame, j’ai versé dans l’excès et en suis mari, je retire cette phrase…
-       67 kg … J

Mathias s’est subitement tourné vers moi : « On en est à combien ? » 6 minutes 35 secondes ai-je répondu après avoir jeté un coup d’œil à mon chronomètre. Il s’est retourné vers l’écran et a pointé son index vers la fenêtre de Tchat : « Tu vois cette phrase ? » Son doigt montrait les 67 kg, ça veut dire que j’ai gagné. Puis il a tout de suite recommencé à taper en murmurant «  Elle ne doit surtout pas avoir le temps de se poser des questions ».

-       Séverine ?
-       Oui
-       Je suis touché par vous…
-       Moi, pas encore…

«  Aïe », a-t-il murmuré. Il s’est agité sur son siège.

-       Je continue ma belle amie, je suis sportif, je pratique le football, le ski, et un peu de golf… quand j’ai le temps.
« Le golf c’est risqué, a-t-il précisé, certaines trouvent que c’est snob, mais en général j’ai remarqué que cela rassurait. »
-       Entre le boulot et mon petit bout, pas beaucoup de temps…
-       J’aime le cinéma : Robert Redford, James Cameron, Tarantino  et Woody Allen.
Il a rigolé : « Crois moi cette liste est le fruit d’années de pratiques, c’est la meilleure que l’on puisse donner… »
-       Ah…Match Point
-       J’ai adoré
-       Musique : Mickael Jackson (le pôvre), Mozart, Abba et Bashung (le pôvre aussi).
-       Incroyable…on a les mêmes goûts
Il a éclaté de rire : « Je sais ma petite, je sais ». Il s’est retourné une seconde, « Combien ? » « 10 mn » Il a de nouveau remué ses fesses sur le siège, puis s’est frotté les mains. « Tu vois, les goûts culturels, c’est ça qui fait tomber les dernières barrières, qui met définitivement en confiance. C‘est con je sais, comme si quelqu’un qui écoutait du Bashung était forcément quelqu’un de bien…  » Il a ajouté dans la foulée : « C’est maintenant que ça se joue ».
-       Séverine…
-       Je suis là…
-       C’est dommage de se raconter nos coups de cœur à distance comme ça…
-      
-       Seriez-vous disposée à ce que nous nous rapprochions physiquement.
-      
-       A ce que nous nous donnions un peu de chaleur en cette froide soirée d’hiver, douce et tendre Séverine…
-       Ce soir ?
-       Oh oui ce soir, bien sûr ce soir, car nous sommes là ce soir, et que c’est ce soir que nous le voulons. Que c’est ce soir que nous en avons besoin.
« Tu noteras l’importance du nous. Elle ne peut plus s’échapper. Elle est impliquée d’office.  ».
-       Je ne sais pas, les hommes…
« Alors regarde bien, là il ne faut surtout pas quémander. Il faut tout de suite la frustrer »
-       Je n’insisterai pas, câline Séverine, je propose juste un moment de partage. Un simple moment de douceur avec Soupiran des îles
-       ..je ne sais pas
-       En même temps, vous ne pouvez peut-être pas laisser votre petit garçon…
-       Il est chez mes parents.
Mathias a éclaté de rire.
-       Choukiville ?
-       Je suis à Branchetine, de l’autre côté du Fleuve.
-       A 20H00 : place XXIème, dans le prolongement du pont..Restaurant Vitamine C.
-      
«  Regarde bien »
-       A moins que vous ne préfériez que j’aille vers chez vous…
-       Ah non ! C’est très bien comme ça…
«  Bingo ! »
-       A tout à l’heure Séverine, Tendresse.
-       … A tout à l’heure.

            Mathias a claqué dans ses mains. « Voilà le travail ! Chronomètre ? »
« 14 minutes et 26 secondes » ai-je articulé, rougissant de plaisir. L’émotion qui montait en moi tenait autant à l’admiration pour son exploit qu’à la certitude que j’étais embarqué pour une soirée dont, cette fois, je ne tirais plus les ficelles en coulisse.