Chapitre 24


Isabelle a débarqué vers 10H. Elle avait l’air totalement affolée.
-       Tu ne sais pas ?
-       Non quoi ?
-       Mathias ?
-       Quoi Mathias ?
-       Arrêté !
-       Hein ?
-       Arrêté je te dis ! Ils l’ont arrêté ce matin, les flics. Je n’en reviens pas, c’est catastrophique pour le journal. C’est pas possible. Je vais me retrouver au chômage ! Mathias, tu te rends compte ! je n’y crois pas, pas lui. C’est pas possible bon Dieu. Mais que vais-je devenir ?

            J’ai calmé Isabelle en lui expliquant que le journal n’allait pas s’arrêter pour autant. Elle avait l’air authentiquement terrifiée. Le soleil brillait de tous ses feux sur la grande ville. Notre bâtiment en prenait une majesté que je ne lui avais jamais connue. J’ai filé comme un dératé.
            Il n’y avait toujours que les cinq cent mètres entre le bureau et la rue de la Forfanterie. J’ai battu le record du monde du 500 mètres. Les flics étaient stationnés en pagaille devant chez Mathias. Il y avait cinq ou six voitures et un camion. Peut-être s’attendaient-ils à délivrer un grand nombre de femmes séquestrées chez le plus gros criminel de ces dernières années. Haletant, je me suis néanmoins avancé, mais n’ai rien vu, que des allers et venus d’uniformes portant des sacs poubelles. Tout était embarqué. On vidait l’immeuble. Je ne savais ce que je faisais là. Je voulais lui parler, mais c’était stupide. Je suis parti lentement en direction du grand boulevard. Je suis rentré chez moi en métro où, par le plus grand des hasards je suis tombé sur Olivier.
-       Qu’est-ce que tu fiches là, m’a-t-il dit en me voyant.
-       Je reviens de chez Mathias.
            Je n’avais plus l’énergie pour dissimuler quoi que ce soit.
-       Ah ouais je vois…Jusqu’au bout hein ?
-       Tu sais ce qui s’est passé ?
-       Fous moi la paix. Foutez-moi tous la paix.

            Olivier était penché en avant et se frottait les mains. Son crâne chauve était luisant. Je ne comprenais pas ce qu’il avait en tête. Et à qui précisément il en voulait.
-       Mathias est une pute, et il a ce qu’il mérite.
-       Quoi ?
-       T’as parfaitement entendu bouffon. Des années qu’il m’humilie, des années que personne dans cette putain de rédaction ne respecte ma façon de vivre.
-       Mais enfin Olivier, tu ne crois quand même pas…
-       T’es jeune et t’es con Adrien. Tu ne connais rien à rien. T’as voulu sucer monsieur-je-suis-le-plus-fort, ben on va voir comment tu t’en sors maintenant.
-       Olivier…
            Je n’ai pas eu le temps de rajouter un mot. Il était déjà arrivé à sa station et est sorti du wagon sans un au revoir ni sans se retourner.

            Ce jour-là, la montée des escaliers m’a paru interminable. Arrivé en haut, j’ai introduit les clés dans la serrure lorsqu’un bruit sourd a retenti derrière moi. Quelqu’un m’est tombé dessus et m’a poussé à l’intérieur. Je me suis retrouvé au milieu de la cuisine, la tête sur le lino. Mon agresseur s’est assis sur moi après avoir donné un coup de pied dans la porte pour la refermer. Il m’a saisi les cheveux et m’a frappé le crâne contre le sol.
-       Espèce d’enculé ! C’est toi qu’a envoyé cette putain de vidéo aux flics.

            Il m’a retourné sèchement pour me mettre sur le dos. C’était Arnaud. « Arnaud ! » me suis-je mis à hurler.
-       Je sais très bien ce que t’as fait, t’as envoyé cette putain de video de Mathias avec une des ces femmes... T’es vraiment une pourriture.

            Une avalanche de coups de poing m’est tombée dessus. Après ça a été la fête à neuneu dans ma tête.